-- Prendre l’espace --
J’ai eu beaucoup de plaisir à organiser ce week-end, le voir se concrétiser, le vivre et le revivre.
Je visualise encore l’enchaînement entre les ateliers et les connexions entre des disciplines qui habituellement ne se parlent pas, se craignent, se défient, ou s’ignorent tout simplement. Accepter l’énergie interne comme externe, alterner des moments dynamiques, sensoriels, émotifs ou cognitifs, prendre conscience et trouver ses mots, découvrir d’autres points de vue, d’autres ressentis, vivre plusieurs expériences en une. Faire côtoyer masculinité et féminité, donner à chacun le droit d’être pleinement, de trouver sa place et prendre l’espace.
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Evidemment, on commence par prendre l’espace à travers le vol de la grue blanche.
Le temps s’arrête, on respire. Après une multitude de mouvements cadencés par la respiration, on redécouvre l’élasticité intrinsèque de notre corps animal, l’énergie de l’onde oscillatoire qui part du sol, traverse nos membres, s’étend au-delà des extrémités des bras pour prendre son envol dans l’espace.
~~~~ Qiqong par Fabrice M. ~~~~
Après cette bouffée d’oxygène, dans l’air pur de la campagne, on se pose au sol, on revient au concret de l’espace palpable qui s’offre à nous. L’air, le soleil, les grands arbres, les plantes. Comment ça marche ? Quelles perceptions possibles ? Comment les sentir, les distinguer ? Forme, toucher, odeur, goût, son …
Quelle est notre relation aux plantes ? Lesquelles peuvent nous nourrir ? Quand est-ce qu’on peut les regarder et leur dire « acceptes-tu que je te cueille ? » et les remercier de s’offrir ainsi à nous.
~~~~ Cueillette sauvage par Cécile B. ~~~~
Après cette première longue journée de transport, on revient à notre espace corporel intérieur. Par de simples stimuli subtils au niveau des pieds, de la main, de l’oreille, de la nuque, l’organisme se régule, s’aligne tout seul ; il retrouve son équilibre naturel.
Les muscles internes se relâchent, les tensions s’apaisent et petit à petit les sens s’éveillent pour retrouver leurs disponibilités avec l’espace extérieur.
~~~~ Anti-Gym par Florence B. ~~~~
Avant de repartir dans les rêves, on sort au crépuscule, on lève la tête vers le ciel pour partir au-delà de notre espace concevable par le cerveau, ce que l’on appelle « Univers », « Espace » ; on parcourt des milliers d’années lumières, comme ça, tout simplement par le regard et l’imagination.
« Le ciel est avec nous ». Et oui, ces soirs-là, on pouvait apercevoir, à l’œil nu, la double trainée de la comète Neoweis, se mouvoir dans l’orbite de nos planètes. Il faudra attendre encore 7000 ans, avant de la revoir dans notre espace visuel !
~~~~ Astronomie par Matthias J. ~~~~
Le matin du 2ème jour, on commence par une marche dans l’herbe fraiche du matin, pieds nus, régulés par le rythme des pas et le souffle qu’on allonge jusqu’à fermer les yeux. Panique, on a perdu notre repère principal de l’espace !
Pendant des minutes qui nous semblent infinies, on vit la transe de l’espace. Vertige, phobie, fous rires, tous les sens du corps s’éveillent pour s’accrocher aux repères accessibles, écouter les pas et le souffle des autres, ressentir la fraicheur de l’air, chercher l’équilibre par la plante des pieds, et petit à petit faire la paix avec le halo du danger et notre perception de l’espace dans l’obscurité.
~~~~ Systema par Samuel L. ~~~~
On passe de la gestion de l’espace alentour, des interactions physiques et des réflexes corporels à l’espace intérieur et cognitif
Le temps s'arrête, on reprend contact avec notre corps et on observe l'espace et les autres. On vit pleinement l’instant présent et on le parcourt par le témoignage de chacun de nos êtres.
Chacun récite son texte en boucle, en canon, on ressent la vibration de sa propre voix, on distingue les mots de son texte propre, on entend les murmures des autres, on s’offre nos textes par des regards et des sourires et on se perd dans les « voici ce que j’ai écrit » qui résonnent encore dans les esprits.
~~~~ Ecriture par Magda M. ~~~~
L’après-midi, on retrouve notre cerveau reptilien. Il suffit de reprendre la même voix de tout à l’heure, calme et poétique, lui donner de l’espace, lui accorder le droit à l’expression de colère, de menace et de vengeance pour que la sensation de danger culmine dans notre corps; le cerveau reptilien a envahi l’espace intérieur !
Qu’est-ce que la l’espace de sécurité ? Est-ce une distance physique ? Est-ce un rapport de force entre deux masses corporelles ? Est-ce le pouvoir des souvenirs et de l’imagination ? Est-ce une intension, un regard, une voix, une foi ?
~~~~ Systema par Gilles D. ~~~~
On passe de l’espace d’expérimentation de l’hostilité à l’espace de solidarité, de soutien et de renforcement mutuel et collectif.
On reprend la marche du matin, sur le pas syncopé de la musique et on avance entre ciel et terre. On ouvre les yeux et on se regarde.
Emportés par la musique, nos corps unis se déploient dans l’espace, avancent, reculent, tournent et se retournent. On entre au centre de la ronde et les repères s’envolent. S’offre à nous un espace unique de liberté, de soutien, d’expression et d’affirmation.
~~~~ Tarentelle par Magda M. ~~~~
La nuit, avant d’aller dormir, vient le moment de calmer le tout, de se laisser guider par la voix, dans l’espace de l’imagination, déployer ses ailes, voler, parcours les montagnes et les mers, plonger, se mouiller les ailes et se sécher les plumes.
On voyage aussi dans le passé proche, l’expérience encore vive, la revivre pour l’imprimer dans l’espace de notre mémoire. Par un phénomène magique, à la sortie de ce voyage, on se redécouvre subitement, là, dans cette grande pièce, des corps et des êtres, en chair et en os …
~~~~ Hypnose collective par Nathalie B. ~~~~
Pour notre dernière matinée, on s’échauffe les corps sous le soleil toujours resplendissant et sur le rythme des tambours brésiliens. Les corps se déploient en miroir, en harmonie, soudés par les rythmes de la musique.
On se retrouve dans une ronde et on vit à nouveau la puissance de l’espace collectif, unis par les battements des mains, par l’attention commune, par les émotions de surprise et les éclats de rire.
~~~~ Capoeira par Sébastien P. ~~~~
Cerise sur le gâteau et malgré le départ de certains, après une bonne sieste sur la pelouse, On se met à deux, l’un se couche sur le dos et positionne bras et jambe à la verticale pour faire une table inversée, l’autre gaine ses muscles, fait la planche et se laisse porter par le support du premier.
C’est tout, entre ciel et terre, une sensation d’apesanteur, de prendre encore une fois l’espace autrement.
~~~~ Accro-yoga par Magda M. ~~~~
Je n’ai pas encore parlé des moments les plus importants du week-end, où chacun se retrouve devant son assiette. Où je me retrouve devant mon assiette et ressens tant de gratitude envers le plat de pâtes des Pouilles que nos équipes de cuisine ont préparé avec amour. Gratitude envers mon corps qui a retrouvé une énergie d’enfance, de spontanéité, de souplesse, de joie. Gratitude envers toutes ces personnes, qui sont là, présentes ici et maintenant, en paix et symbiose, sur cette tablée, enveloppés par le ciel radieux de l’été.
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Au début du projet, on m’avait demandé « oui, mais c’est quoi au juste ce week-end ? ». J’ai envoyé cette réponse juste avant le séjour :
D’une part, je rêve de mettre en relation des disciplines aussi contradictoires qu'un Sport de Combat Russe et une Danse Traditionnelle Italienne. Quelle relation entre des hommes baraqués qui portent des pantalons treillis et qui se donnent des coups de poings francs, avec des femmes âgées et frêles, en robe de couleur vive, qui sautillent comme un enfant de 7 ans …
Dans ces deux disciplines, la relation à l'espace et à l'autre est centrale. J'ai donc choisi ce thème pour tisser le lien entre ces deux mondes. Aussi car ce thème se décline en une infinité de facettes, toutes aussi importantes les unes les autres, et que chacun pourra illustrer à travers sa passion !
D’autre part, je souhaite permettre à chacun de trouver sa place dans le groupe ; varier les postures et vivre les émotions associées. Observer ce qui se passe lorsqu'on assiste à un atelier pour la première fois, quels préjugés avons-nous de cette pratique, de notre relation à cette pratique. Comment on se positionne dans le groupe lorsque nous sommes déjà à l'aise. Ensuite, comment passer au centre de l'attention, inspirer et donner vie au groupe, i.e. l'animer :)
Mes attentes sont infinies, et en même temps se résument à « passer un superbe moment en compagnie avec vous et en plein air ». Bref, pendant ce week-end, je vous inviterai donc à « prendre l'espace » et « trouver votre place », et surtout vous FAIRE PLAISIR
Automne 2020
Magda Mansour
